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dit Kongre, et c est plus sûr.
Il ne doit guère arriver que dans une huitaine de jours, à
s en rapporter au livre du phare, déclara Carcante.
Et, dans huit jours, ajouta Kongre, nous serons déjà loin
du cap Horn, en route pour les Salomon ou les Nouvelles-
Hébrides.
Entendu, Kongre. Je vais monter une dernière fois à la
galerie pour observer la mer. S il y a quelque bâtiment en
vue...
Eh! que nous importe, fit Kongre, en haussant les
épaules. L Atlantique et le Pacifique sont à tout le monde. Le
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Carcante a ses papiers en règle. Le nécessaire a été fait à cet
égard, tu peux t en fier à moi. Et, si même le Santa-Fé le
rencontrait à l entrée du détroit, il lui rendrait son salut, car
une politesse en vaut une autre! »
On le voit, Kongre ne doutait pas de la réussite de ses
projets. Il semblait bien d ailleurs que tout concourait à les
favoriser.
Tandis que son capitaine redescendait vers la crique,
Carcante monta l escalier, et, parvenu à la galerie, il y resta
en observation pendant une heure.
Le ciel était alors complètement nettoyé et la ligne de
l horizon, reculée d une douzaine de milles, se montrait dans
toute sa netteté. La mer, encore agitée cependant, n était plus
blanchie par les lames déferlantes, et, si la houle demeurait
assez forte, elle ne pourrait gêner la goélette. D ailleurs, dès
qu on serait engagé dans le détroit, on trouverait la mer belle,
et l on naviguerait comme sur un fleuve, à l abri de la terre et
vent arrière.
Au large, nul autre navire qu un trois-mâts qui, vers deux
heures, parut un instant dans l est, et à une distance telle que,
sans sa longue-vue, Carcante n aurait pu reconnaître sa
voilure. Il courait au nord, d ailleurs. Il n était donc pas à
destination de l Océan Pacifique, et il ne tarda pas à
disparaître.
Une heure plus tard, il est vrai, Carcante eut un sujet
d inquiétude et se demanda s il ne fallait pas en référer à
Kongre.
Une fumée venait de se montrer dans le nord-nord-est,
lointaine encore. C était donc un steamer qui descendait vers
l Île des États ou vers le littoral de la Terre-de-Feu.
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Les mauvaises consciences rendent aisément craintif. Il
suffit de cette fumée pour que Carcante éprouvât de sérieuses
émotions.
« Serait-ce l aviso?... » se dit-il.
À vrai dire on n était qu au 25 du mois de février, et le
Santa-Fé ne devait arriver que dans les premiers jours de
mars!... Aurait-il avancé son départ?... Si c était lui, dans
deux heures, il serait par le travers du cap San Juan... Tout
serait perdu... Fallait-il renoncer à la liberté, au moment de la
conquérir, et retourner à l affreuse existence du cap Saint-
Barthélemy?
À ses pieds, Carcante voyait la goélette qui se balançait
gracieusement, comme si, vraiment, elle eût voulu le narguer.
Tout était paré. Elle n avait plus qu à lever l ancre pour
appareiller... Mais elle n aurait pu, avec vent contraire,
refouler le flot qui commençait à monter, et la mer ne serait
pas étale avant deux heures et demie.
Impossible donc d avoir pris le large avant l arrivée de ce
steamer, et si c était l aviso...
Carcante ne retint pas un juron qui l étouffait. Il ne voulut
pas, cependant, déranger Kongre, très occupé de ses derniers
préparatifs, avant d être sûr de son fait, et il demeura seul en
observation dans la galerie du phare.
Le bâtiment approchait rapidement, ayant pour lui le
courant et la brise. Son capitaine poussait activement les
feux, car une épaisse fumée se dégageait de la cheminée que
Carcante ne pouvait encore apercevoir, derrière la voilure
fortement tendue. Aussi ce navire donnait-il une assez forte
bande sur tribord. Il ne tarderait pas à se trouver par le travers
du cap San Juan, s il continuait à cette allure.
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Carcante ne quittait pas la longue-vue, et son inquiétude
allait croissant à mesure que diminuait la distance du
steamer. Cette distance fut bientôt réduite à quelques milles,
et la coque du navire devint en partie visible.
Ce fut au moment où les craintes de Carcante étaient le
plus vives, qu elles se dissipèrent soudain.
Le steamer venait de laisser porter, preuve qu il cherchait
à gagner le détroit, et tout son gréement apparut aux regards
de Carcante.
C était un bâtiment à vapeur, qui devait jauger de douze à
quinze cents tonneaux, et qu on ne pouvait confondre avec le
Santa-Fé.
Carcante, de même que Kongre et ses compagnons,
connaissait bien l aviso, qu il avait aperçu à plusieurs
reprises pendant sa longue relâche à la baie d Elgor. Il savait
qu il était gréé en goélette, et le steamer qui s approchait
l était en trois-mâts.
Quel soulagement éprouva Carcante, qui s applaudit de ne
point avoir troublé inutilement la quiétude de la bande! Il
resta encore une heure dans la galerie et vit passer le steamer
dans le nord de l île, mais à trois ou quatre milles, c est-à-
dire trop loin pour que celui-ci pût envoyer son numéro,
signal qui, d ailleurs, fût demeuré sans réponse, et pour
cause.
Quarante minutes plus tard, ce steamer, qui filait au moins
douze noeuds à l heure, disparaissait au large de la pointe
Colnett.
Carcante redescendit, après s être assuré qu aucun autre
navire n était en vue jusqu à l horizon.
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Cependant l heure du renversement de la marée
approchait. C était le moment fixé pour le départ de la
goélette... Les préparatifs étaient achevés, les voiles prêtes à
être hissées. Une fois amurées et bordées, elles recevraient
par le travers le vent retourné et bien établi dans l est-sud-est
et le Carcante cinglerait vers la mer avec du largue dans sa
toile.
À six heures, Kongre et la plupart des hommes étaient à
bord. Le canot ramena ceux qui attendaient au bas de
l enceinte, puis il fut hissé sur les pistolets.
La marée commençait à se retirer lentement. Elle
découvrait déjà l endroit où l on avait échoué la goélette
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